La France, le Peuple et la Politique

La France, le Peuple et la Politique

Tout le monde soupçonne l’existence d’un hiatus entre ceux qui ‘’dirigent’’ et ceux qui sont ‘’dirigés’’. Les médias créent des battages autour de certaines personnalités et qualifient certaines d’entre elles de « faiseur d’opinion », alors même que l’opinion du peuple n’est souvent pas prise en compte.

Quand nos dirigeants atteignent des profondeurs abyssales en termes de popularité (vient du mot latin popularitas « appartenance au même peuple, à la même nation ; ce qui lie ceux du même peuple »), comment peut-on dire que l’opinion du peuple compte ?
En France, cette distance entre le peuple et l’état est très ancrée.
Voici des extraits de livres sur le droit public qui en disent long.

Elisabeth Zoller – Introduction au droit public :
– « En France, l’Etat est radicalement distinct de la société…il n’est pas un miroir des intérêts de la société. La société a ses intérêts, l’Etat a les siens. »
– « La souveraineté en France appartient au peuple tant qu’il forme une nation ; elle n’est donc pas populaire mais nationale… La nation n’est pas le peuple réel dans toute sa diversité… Juridiquement, c’est la nation qui est souveraine et non le peuple. »

Donc, historiquement et légalement, la France a un concept de « nation idéale » qui remplace le « peuple réel », un concept très proche du communisme. Pourquoi pas ? L’idéal peut être un guide. Mais que n’ose-t-on pas faire pour un idéal ? Et que se passe-t-il quand les intérêts de cette nation idéale ne coïncident pas avec ceux du peuple réel ?

Philippe Ardant, Bertrand Mathieu – Institutions politiques et droit constitutionnel :
– « La démocratie est un régime idéal qui ne fonctionne nulle part conformément aux modèles échafaudés par les théoriciens. Ceux-ci imaginent des hommes naturellement vertueux, capables de se gouverner pour leur bien à tous, vision démentie chaque jour. »
– Parmi les innombrables définitions de la démocratie, les auteurs en retiennent trois.
o Churchill : « La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres. »
o Lincoln : « La démocratie est le Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »
o Nietzsche : « La démocratie c’est la revanche des esclaves. »

Mais la définition de la démocratie qui semble la plus vraie en ce moment en France, est celle d’Alexander Fraser Tytler : « Un régime démocratique ne peut pas perdurer. Il subsiste jusqu’au moment où les électeurs découvrent qu’ils peuvent se voter des largesses aux dépens du trésor public. Dès ce moment, la majorité élit toujours les candidats qui promettent le plus de cadeaux aux frais du trésor public, avec pour conséquence que la démocratie croule sous le poids d’une politique fiscale immodérée… »

Depuis 2008, date du plus récent cycle de crises, les peuples sont désorientés. Les crises attestent invariablement que les hommes ne sont pas naturellement vertueux. Certains grands de ce monde ont été déchus, mais d’autres grands encore plus nombreux ont profité de ces crises. Mais qu’est-ce qui a changé pour les peuples ? Ils ont payé, ils paient et continueront toujours de payer les pots cassés. Le ‘’parler vrai’’ n’existe plus car parmi ceux qui dirigent y fraient certains qui profitent outrageusement de leur position. En politique, comme dans d’autres cercles, la ruse étant nettement plus efficace que la compétence, il suffit de quelques itérations de l’algorithme de cooptation pour toujours retrouver les mêmes traits tant dénoncés chez nos dirigeants.

Que fait le peuple ? Il rumine, il râle, il essaie de refaire le monde à chaque repas, il désespère, il change de vote – et il a l’impression de tomber de Charybde en Scylla. Il se demande s’il y aura un jour un Ulysse assez fort pour le ligoter ou lui boucher les oreilles quand l’appel les sirènes des aides en tout genre est trop fort. Il attend le guide (les médias ?) qui élèvera sa pensée, lui montrera le chemin d’Ithaque(*) le long duquel il pourra s’instruire (auprès des patrons qui cesseront d’être des Lestrygons et des Cyclopes ?).

Bien-sûr le peuple français est difficile à gérer puisqu’il est râleur, puisqu’il s’oppose au changement. Mais lui a-t-on donné et expliqué les bonnes raisons pour changer ? Est-ce que les médias ont arrêté : de confondre exceptions et règles ? De se focaliser sur les fauteurs de troubles ? De rapporter ce qui touche aux entreprises du CAC40 (n’ont-ils pas remarqué qu’elles n’étaient que 40 ?) et laisse dans le noir les centaines de milliers d’autres entreprises qui elles font l’essentiel de l’emploi ?

La crise et le politiquement correct entrainent inexorablement le peuple vers des schizophrénies : je veux être riche mais je ne dois pas parler de richesses, je veux des emplois mais je ne dois pas aimer les patrons, l’immigration est un sujet tabou alors que j’en ai peur, j’aime réussir mais je ne dois pas en être fier.

Il est grand temps que la France et les français fassent face à leurs démons.

(*) : Constantin Cavafis (1863-1933) « Le Chemin d’Ithaque »

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