Voici un article du Monde qui explique ce qu’est un emprunt toxique : « Tout comprendre des emprunts toxique en 10 questions ».

De nombreux emprunts dits toxiques sont indexés sur le rapport euro/franc suisse, par exemple le taux d’intérêt d’un emprunt est exprimé comme  (4,50% + 0,55 x ( 1,445/(EUR/CHF)-1) si EUR/CHF est inférieur à 1,445 (au-dessus du seuil de 1,445 c’est un taux fixe qui est utilisé).

Pourquoi les collectivités se sont fait avoir ?

• La proposition est faite quand l’EUR/CHF est légèrement supérieur au seuil (ici 1,445) et c’est donc un taux fixe bas alléchant qui est proposé
• La banque indique que le franc suisse est très stable et que le taux ne devrait pas changer ; au lieu évidemment de jouer son rôle de conseil et de faire une vraie simulation de la formule
• La formule est difficile à comprendre pour un fonctionnaire ou un élu non initié
• En cas de franchissement du seuil, l’effet de levier est énorme puisqu’on ajoute un ratio à un pourcentage – donc cent fois plus pour le ratio, et ici à peine adouci par un petit 0,55

Le premier épisode nous le connaissons,

• Plus de 1500 collectivités touchées (voir la cartographie des collectivités touchées)
• Un risque de plus de 17 milliards d’euros
• La majorité des emprunts toxiques est proposée par une seule banque – Dexia
• L’EUR/CHF est environ à 1,20 et dans notre exemple le taux d’intérêts est alors à (4,50+0,55×0,204×100)= 4,55+11,22=15,77%!
• Quelques centaines de collectivités qui déposent des recours au tribunal

Que propose l’Etat ?

• L’Etat en tant que principal actionnaire de la banque Dexia souhaite réduire le risque encouru (par lui-même et non par les collectivités locales)
• Nomme un médiateur, M. Eric Gissler – inspecteur général des finances, qui définit un classement des risques des emprunts et une charte de bonne conduite mais qui finalement laisse les collectivités se débrouiller seules
• Alors que des banques privées, ayant aussi proposé des emprunts toxiques, font amende honorable et proposent d’elles-mêmes des portes de sorties, Dexia campe sur ses positions
• L’Etat démantèle la banque Dexia et crée la banque SFIL pour gérer ce risque financier
• L’Etat crée un fonds de soutien en décembre 2013 amendé en décembre 2014 avec un fonds cumulé sur 15 ans de seulement 1,5 milliards (100 millions par an)
• Le fonds de soutien ne financerait qu’au plus 45% des indemnités de remboursement anticipés (IRA) des emprunts toxiques, en contrepartie de quoi les collectivités abandonneraient tout recours judiciaire contre la SFIL

Le fait d’abandonner toute possibilité de recours n’incite pas les collectivités à saisir le fonds de soutien et conduit l’Etat à repousser la date limite du dépôt d’un dossier du 15 mars 2015 au 30 avril 2015.

Second épisode : l’annonce de la Banque National Suisse (BNS),

La BNS a pris une décision radicale, jeudi 15 janvier 2015, en abandonnant le cours plancher de l’euro face au franc suisse. Depuis le 6 septembre 2011, la BNS protégeait ce cours plancher pour éviter que le franc suisse s’apprécie trop face à l’euro.

L’EUR/CHF passe donc le jour même du jeudi 15 janvier de 1,20 à 0,92 pour osciller autour de 1,02 et clôturer à 0,9947 le vendredi (soit une appréciation d’environ 17% du franc suisse).

Dans notre exemple, le taux d’intérêt bondit donc de 15,77% à (4,50+0,55×0,453×100)=29,42% ! Soit 1M€ d’intérêts supplémentaires par an pour chaque tranche de 7,5 M€ de capital restant du !

Les indemnités de remboursement anticipés (IRA) sur lesquelles s’appuient l’aide du fonds de soutien explosent également à 2 voire 3 fois le montant des IRA initiales. Les 1,5 milliards d’euros du fonds de soutien ne représentent plus qu’une goutte d’eau…

Voilà comment en une journée les risques des emprunts toxiques viennent au bas mot de doubler et les négociations avec la SFIL et le fonds de soutien caduques !

Les budgets des collectivités concernées ne pourront supporter le paiement des intérêts aussi énormes (de l’ordre de 25% du capital chaque année) et seront donc en faillite.